Singhdam Dabut

S'il est une très belle dimension dans un voyage, c'est celle que prodiguent les rencontres.

Brefs ou plus longs, souvent étonnants, parfois intenses, mais toujours enrichissants, ces moments partagés dans une bulle hors du temps laissent en vous une empreinte à l'allure indélébile.

Je profite d'une césure entre deux articles pour vous parler ici d'une de ces rencontres qui remonte à la fin décembre, quand nous profitions encore de nos bungalows flottant sur la rivière Kwai, au détour de Kanchanaburi.

C'est dans ce même cadre que nous avons croisé le chemin de Singhdam Dabut, cet homme dont les marques du visage m'ont très vite intrigué !

Après l'avoir croisé deux ou trois jours de suite sans jamais oser l'aborder pour lui demander ne serait-ce que la possibilité de le photographier, je me suis finalement lancé, m'approchant de la table où il semblait relire des notes en fumant sa cigarette. Il s'est alors arrêté dans ce qu'il faisait, et m'invita très gentiment à me joindre à lui.

Nous avons alors commencé à discuter de tout et de rien : d'où nous venions, comment nous apprécions l'endroit. Puis comme j'en avais très envie je lui ai demandé s'il était d'accord pour que je le prenne en photo. Singhdam a alors très simplement accepté, avant de me parler de sa vie, de la véritable signification de ses tatouages. A ce stade je ne disais plus rien : je me contentais de l'écouter me narrer ses aventures, ses déboires et ses voyages.

Singhdam est né au sud de la Thaïlande, aux alentours de Suratthani, où il a grandi avant de commencer à voyager et de se plonger dans le boudhisme. Il a ensuite commencé à travailler en tant que tatoueur entre la Thaïlande et l'Allemagne jonglant entre des problèmes de visa et des patrons malhonnêtes. Ce manège a duré vingt ans pendant lesquels il n'a jamais eu un jour de repos, mais où il a appris sur lui-même et commencé à méditer quotidiennement pour supporter le poids de la tache qui lui était imposée. Depuis il s'est remis a voyager, explorant principalement l'Asie, redécouvrant la Thaïlande, et vouant plus que jamais l'oeuvre de sa vie à Buddha : chacun de ses tatouages est une représentation d'une branche différente du bouddhisme, et les textes qui ornent son visage portent des messages de quiétude et de tolérance.

Notre échange n'aura duré qu'une trentaine de minutes, et s'est conclu par un échange de noms sur nos carnets, ainsi que de nos adresses. Même si en définitive ces informations ne nous serviront pas, elles sont finalement la seule preuve physique qu'une rencontre s'est produite. Ces simples traits sur le papier portent en eux un récit simple qui, même un peu enjolivé, méritait une oreille attentive, ne serait-ce que le temps d'une rencontre.